Comment avez-vous réagi à l’annonce du diagnostic ?
Je m’y attendais, d’une certaine manière, car je voyais bien comment mon mari évoluait avec le temps. Et c’est moi qui ai voulu qu’il consulte et qu’il passe les examens. A vrai dire, la maladie avait déjà commencé en 2016 mais à l’époque, le neurologue consulté avait prétendu que tout allait bien. Deux ans plus tard, il disait la même chose alors que je
voyais bien la situation changer. En 2022, j’ai emmené mon mari voir une autre neurologue qui, elle, a fait faire les examens indispensables et a diagnostiqué la maladie.
Quelles informations avez-vous reçues à l’annonce du diagnostic ?
On a reçu les résultats des examens, l’information que la maladie ne se guérissait pas et une prescription pour du donepezil. Et c’est tout. Rien d’autre. Je m’étais heureusement documentée sur la maladie préalablement. Cependant, j’ignorais tout de la réalité que cela suppose et je ne savais rien des structures d’accueil ou des aides éventuelles.
Auriez-vous aimé recevoir d’autres informations à ce moment-là ?
Evidemment ! Au-delà d’une éventuelle perspective plus encourageante que la fin programmée de mon mari, j’aurais aimé savoir que certains hôpitaux faisaient des études pour tester d’autres médicaments. J’aurais aimé également avoir des adresses de centres d’accueil, des adresses de home pour le jour où il faudrait le placer. J’aurais aimé connaitre les aides qui peuvent être apportées aux patients et à leurs aidants, les démarches administratives indispensables à faire pour préparer le futur (par exemple, le mandat extrajudiciaire), etc.
Comment ont réagi vos proches et votre entourage à l’annonce du diagnostic ?
Je crois que tout le monde autour de nous était désolé, impuissant, stupéfait, incrédule mais aussi incapable de comprendre ou d’aider adéquatement. Après le choc, j’ai plutôt ressenti la bienveillance et le soutien moral de mes proches.
Mais lorsque nous participons à une réunion de voisins ou d’amis lointains, je me sens parfois dépassée et
profondément blessée par l’incompréhension voire le jugement négatif ou la moquerie dissimulée de certains à l’égard de mon mari.
Qu’est-ce qui est le plus difficile à vivre dans votre parcours ?
Au fond de moi, je vis mal la déchéance de mon mari. C’était un homme brillant, intelligent. Et aujourd’hui, il ne comprend plus les choses complexes et ne peut plus calculer comme il le faisait auparavant. J’ai dû endosser un rôle de mère et de tutrice qui me déplaît profondément. Ma famille me trouve très patiente mais, à l’intérieur, je suis une boule de colère. Pourquoi lui ?
Ce qui m’a été particulièrement difficile, c’est lorsqu’après une série de tests, mon mari a été refusé dans une étude sur un nouveau médicament. J’avais tellement mis d’espoirs dans cette recherche que j’ai eu beaucoup de mal à surmonter ma déception et surtout mon désespoir de ne pas pouvoir voir mon mari guérir un jour. (L’étude menée par Gasthuisberg a finalement été arrêtée et mon mari n’aurait de toutes façons pas pu y participer, ce qui m’a aidée, en quelque sorte, à faire mon deuil)
Quels sont les soutiens dont vous disposez ?
Je vois une psychologue grâce à vous mais cela va sans doute s’arrêter. J’ai obtenu que mon mari aille chez une kiné pour améliorer son maintien et sa marche. Il fait des exercices qui aident à exercer la cognitivité.
J’ai participé pendant un moment à un groupe de parole mais c’était trop tôt pour moi et, en écoutant les expériences des autres membres du groupe, cela me déprimait terriblement de prendre conscience de l’évolution future de mon mari. Je pense cependant y revenir un jour quand la situation aura encore progressé.
A l’heure actuelle, je pense qu’il serait contreproductif de l’inscrire à des centres de jour.
Aujourd’hui, auriez-vous besoin d’autres informations ou services ?
J’aimerais recevoir plus d’information sur les centres de jour accessibles, sur les homes qui pourront accueillir un jour mon mari, sur les traitements alternatifs, sur l’évolution de la recherche, sur les aides que l’on peut trouver dans le privé. J’aimerais aussi que les aides apportées par votre organisme soient prolongées dans le temps et élargies à davantage de services (ou d’accès à des services).
Qu’est-ce qui vous donne du courage et de la force ?
Mon mari a été présent pour moi lorsque j’étais malade d’un cancer du sein. Le souvenir de cette période où il m’a accompagnée et entourée de beaucoup d’amour me donne la force et le courage de l’accompagner aujourd’hui. Je me bats contre l’inéluctable et bien sûr j’ignore si je tiendrai sur le long terme mais je le fais parce que je ne peux pas faire autrement.
Y a-t-il un message que vous voudriez faire passer aux pouvoirs publics ?
Je voudrais que les pouvoirs publics prennent enfin conscience des difficultés que les patients et leurs aidants vivent au quotidien. Je voudrais qu’ils mettent enfin en place des structures d’accueil pour tous les malades diagnostiqués (Nous vivons dans le Brabant flamand et mon mari ne parle pas le Néerlandais – de ce côté-ci pas d’accueil en Français malheureusement).
Enfin, j’aimerais qu’ils organisent une sorte de help desk où toutes les informations et aides seraient centralisées de telle sorte que les aidants n’aient pas à courir de tous les côtés comme des poules sans tête.
J’aimerais enfin qu’ils prennent réellement la mesure de l’étendue de cette maladie dans la population, sa gravité et l’urgence de mettre en place des accueils adéquats.